Christa Wolf

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Christa Wolf nous a quittés le 1er décembre 2011. Elle repose maintenant dans le cimetière berlinois de la Chausseestrasse, où sont enterrés, non loin de Brecht et d’Helene Weigel et de nombreux écrivains allemands. Plusieurs centaines de personnes sont venues à son enterrement, le 13 décembre dernier, où Volker Braun a pris la parole. D’autres hommages ont été rendus à la grande écrivaine allemande, notamment le soir même, à l’Académie des Arts de Berlin, par plusieurs écrivains parmi lesquels Günter Grass, Daniela Dahn, Christoph Hein et son mari, l’essayiste Gerhard Wolf.

La vie et l’œuvre de Christa Wolf s’inscrivent dans les graves événements qui ont marqué l’histoire contemporaine de l’Europe. Cette écriture de « l’authenticité subjective » qu’a revendiquée l’auteure face aux canons du réalisme socialiste est marquée par nos espoirs, nos illusions et nos contradictions. Née en 1929 à Landsberg, ville devenue polonaise en 1945 sous le nom de Gorzow Wielkopolski, Christa Ihlenfeld commence sa scolarité alors que le national-socialisme installe son emprise sur le peuple allemand. Elle a dix ans quand Hitler déclenche la seconde guerre mondiale. Dans son livre Trame d’enfance, elle évoque la fillette qu’elle fut, en accord avec les idées propagées par les nazis au pouvoir. Début 1945, la famille fuit devant l’avancée de l’Armée rouge et lorsque le Troisième Reich s’effondre elle se trouve dans la partie occupée par les troupes soviétiques qui deviendra, en 1949, la République démocratique allemande. La jeune fille connaît alors une évolution partagée par nombre de personnes de cette génération dans la zone orientale : découvrant après coup les horreurs de la dictature hitlérienne, elle s’enthousiasme pour les idées de ceux qui furent ses opposants les plus résolus, les communistes, qui proposent de construire un monde nouveau débarrassé de l’exploitation et de la guerre. Christa passe son baccalauréat en 1949 et adhère la même année au Parti socialiste unifié (SED), parti dirigeant de la jeune RDA. « Ma génération a très tôt troqué une idéologie contre une autre, elle est venue tardivement à l’âge adulte (…) certains d’ailleurs ne sont jamais devenus des adultes », expliquait-elle en 1987 dans un entretien avec Therese Hörnigk.

Après des études de lettres allemandes et quelques années de travail à l’Union des écrivains de RDA comme lectrice et critique littéraire, Christa Wolf (elle a épousé en 1951 Gerhard Wolf ) s’affirme en 1963 comme l’un des jeunes talents les plus prometteurs avec son premier roman Der geteilte Himmel, (dont la nouvelle traduction, Le Ciel divisé, vient de paraître aux éditions Stock.)

Christa Wolf est alors candidate au comité central du parti SED. Mais assez vite des conflits vont surgir entre la romancière et le pouvoir : lors de la onzième session plénière du comité central du SED en 1965, où Christa Wolf prend la défense d’écrivains injustement attaqués, puis lorsque paraît son récit Christa T. en 1968. Comme l’écrit Volker Braun, « c’est de là que date le contre-texte de notre littérature au monologue du pouvoir. » D’autres événements accentueront cette rupture, par exemple lorsque Wolf Biermann est privé de sa citoyenneté par les autorités est-allemandes en 1976. En 1979, Christa Wolf recourt à des personnages non contemporains pour explorer les mécanismes qui broient l’individu, dans son récit Aucun lieu. Nulle part, avec les figures tragiques de Caroline von Günderrode et Heinrich von Kleist, au début du dix-neuvième siècle. Quelques années plus tard, avec Cassandre, elle donne à cette figure mythique un éclairage étonnamment contemporain. Après la catastrophe de Tchernobyl, ses récits se situent à nouveau dans l’époque actuelle : Incident, Scènes d’été et Ce qui reste.

Christa Wolf, dont l’œuvre de plus en plus critique avait fortement contribué à la révolution pacifique de l’automne 1989, avait souhaité que l’unification allemande se fît autrement, sans vainqueurs ni vaincus. Ce qui lui valut au début des années 90 de fielleuses attaques. Elle qui avait été durant des décennies « observée » par les gens de la Stasi fut mise en cause pour avoir accepté, de 1959 à 1962, de rédiger des rapports pour eux. La polémique cessa lorsqu’elle publia ces rapports : on put constater qu’elle avait certes fait preuve de naïveté mais n’avait dénoncé personne.

À présent l’importance de Christa Wolf au sein de la littérature de langue allemande est incontestable, comme l’attestent l’accueil réservé aux ouvrages des deux dernières décennies (Médée, Le Corps même, Un Jour dans l’année) et les prix littéraires les plus prestigieux qui lui ont été décernés. En France, plusieurs écrivains ont tenu à lui exprimer leur admiration : Pierre Bergounioux, Dominique Dussidour, Bernard Noël, Danièle Sallenave, Cécile Wajsbrot, Marie Goudot, Yves Boudier, pour ne citer que des témoignages récents. (Cf. la revue LITTERall, numéro 17 (2009) et le numéro 984 (avril 2011) de la revue Europe.)

Alain Lance

Plusieurs titres ont été publiés en France :

Le Ciel partagé, aux Editeurs français réunis, traduit par Bernard Robert
Une nouvelle traduction de ce roman, Le Ciel divisé, due à Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, vient de paraître à l’automne 2011 chez Stock.
Christa T., traduit par Marie-Simone Rollin, Le Seuil.
Cassandre, traduit par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein, Stock
Cinq titres aux éditions Fayard : Médée. Voix, Le Corps même, Un Jour dans l’année, Adieu aux fantômes, Ici même, autre part, traduits par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein.
Un fort volume rassemblant dix récits, dont Aucun lieu. Nulle part, Trame d’enfance, Incident, Ce qui reste, Scènes d’été, chez Stock. Traductions de Ghislain Riccardi, Yasmin Hoffmann, Maryvonne Litaize, Marie-Ange Roy, Lucien Haag, Alain Lance et Renate Lance-Otterbein.
Oui, nos cercles se touchent, correspondance entre Christa Wolf et Charlotte Wolff, traduite par Nicole Casanova, Edition des femmes.

Bibliographie

En allemand 
Les récits et essais de Christa Wolf sont publiés aux éditions Suhrkamp (Berlin) et chez Cornelius Projekte-Verlag (Halle)

En français
Le Ciel divisé, 2011, Cassandre, 2003, Trame d’enfance, 2009, Stock
Oui, nos cercles se touchent, 2006, Edition des femmes

tous droits reservés - Les Amis du Roi des Aulnes, Nicole Bary, 2012