Ingo Schulze

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Ingo Schulze
Ingo Schulze, roman

 

Lors de la naissance d’Ingo Schulze , à Dresde, en RDA donc, le 15 décembre 1962, plus de seize mois après la construction du mur, la division de l’Allemagne semble appelée à perdurer. Vingt ans plus tard, le jeune bachelier effectue son service militaire avant de suivre, de 1983 à 1988, des études de lettres classiques à Iéna. Puis il est engagé comme dramaturge au théâtre d’Altenburg. C’est dans cette petite ville aux confins de la Saxe et de la Thuringe que le jeune homme, qui a déjà écrit quelques de textes mais n’a rien publié (il aspire au destin d’un écrivain dissident !), va vivre les bouleversements du « tournant » de l’automne 1989 qui aboutiront, un an plus tard, à l’unification allemande. Mêlé activement à ces événements, notamment au sein du mouvement civique Nouveau Forum, Ingo Schulze participe à la création d’un hebdomadaire Altenburger Wochenblatt, puis fonde un journal financé par des annonces avant d’être chargé de créer à Saint Petersbourg le premier « gratuit » après l’implosion de l’URSS. Il passe donc le premier semestre 1993 en Russie puis rentre en Allemagne et s’installe à Berlin, où il vit encore aujourd’hui. C’est l’énorme mutation de la société russe à laquelle il vient d’assister qui l’incite à écrire les nouvelles réunies dans le livre 33 Augenblicke des Glücks (1995), un kaléidoscope nourri de réminiscences littéraires, jouant sur les divers registres du polar, de la fable, du conte fantastique, de la parodie, de l’insolite au cœur du banal… La critique unanime salue l’originalité de ce nouvel auteur. Après ce détour russe, Schulze va se consacrer, dans Simple storys, paru en 1998, au bouleversement dont il fut acteur et témoin dans son propre pays. Si le sous-titre du livre indique : « un roman de la province est-allemande », il s’agit en fait de 29 séquences de la vie de citoyens ordinaires de la RDA, dans les semaines et les mois qui suivent la chute du mur. Parfois un personnage d’un des récits réapparaît dans un autre. Ce livre confirme le talent de l’auteur pour la forme brève et son art d’évoquer les cassures de l’histoire à partir de très précises notations de la réalité quotidienne.

Ingo Schulze revient sur cette thématique dans un livre de près de 800 pages sur lequel il a travaillé pendant sept ans : Neue Leben (2005). L’auteur se présente ici comme l’éditeur d’une abondante correspondance d’un certain Enrico Türmer, dont la biographie présente de fortes analogies avec celles d’Ingo Schulze lui-même. Sauf que ce personnage finira par abandonner les affaires de l’esprit pour l’esprit des affaires. Si des dizaines de romans ayant pour thème le tournant de l’automne 89 ont été publiés en Allemagne, celui-ci est sans doute l’un des plus importants et des plus exigeants sur le plan littéraire.

Dans les récits rassemblés dans le livre Handy (2007), dont le sous-titre ironique est Treize histoires à la façon ancienne, Ingo Schulze revient à la forme brève et les histoires racontées dans ce livre se déroulent dans la dernière décennie du XXème siècle. Ce livre a connu en Allemagne un très grand succès et la critique a souligné la maîtrise dont fait preuve l’écrivain dans le jeu subtil entre la réalité et la fiction, entre l’art et la vie. Handy a valu à Ingo Schulze l’une des plus importantes distinctions littéraires : le Prix de la Foire du livre de Leipzig.

Avec Adam et Èvelyne (2008), Ingo Schulze aborde à nouveau la période de l’automne 1989 à travers les pérégrinations d’un jeune couple est-allemand au moment de l’ouverture des frontières.

Was wollen wir (2009) rassemble des essais et discours où Schulze, qui fut l’un des protagonistes de la révolution pacifique menant à l’effondrement de la RDA, critique la toute-puissance de la finance car les dépendances idéologiques ont fait place aux dépendances économiques : « Nous ne pouvons pas discuter de la liberté en nous taisant sur l’égalité en tant que justice sociale(…) car liberté et égalité vont de pair, depuis la Révolution française. »

Alain Lance

Bibliographie

En allemand :
La plupart des livres d’Ingo Schulze ont été publiés aux éditions Berlin Verlag.
Handy, 2007, Was wollen wir, 2009

En français
Cinq d’entre eux ont été traduits en français par Alain Lance et Renate Lance-Otterbein et publiés chez Fayard :
Histoires sans gravité, 33 moments de bonheur, Vies nouvelles, Portable, Adam et Èvelyne.