suite

Katharina Hacker

Dans les romans de Katharina Hacker, les apparences sont souvent trompeuses. Ses personnages, qui ont au fil du temps une trentaine ou une quarantaine d’années, et appartiennent à un milieu plutôt aisé, mènent une vie qui devrait être sans aspérité mais butent tout à coup sur un obstacle, découvrent une faille, font une rencontre inattendue, et plongent dans un monde inquiétant auquel ils n’étaient pas préparés.

Née à Francfort sur le Main en 1967, Katharina Hacker, après avoir étudié la philosophie et le judaïsme, a vécu quelques années à Jérusalem avant de revenir en Allemagne et s’installer à Berlin. Depuis son premier récit, Tel Aviv, paru en 1997, et qui raconte, comme l’indique un sous-titre, l’histoire d’une ville, elle trace de livre en livre un parcours à la fois assuré et toujours en recherche, en mouvement. L’action se passe à Jérusalem, à Londres, à Berlin, ou dans la province allemande. Diversité des lieux. Diversité des voix narratives, aussi, car le récit n’est jamais univoque.

Dans Eine Art Liebe, paru en 2003, l’histoire se déroule sur deux plans. Le temps de la narratrice, qui vit à Jérusalem à l’époque contemporaine – le roman se passe dans les années séparant la première guerre du Golfe de l’assassinat de Rabin – se lie d’une amitié singulière avec Moshe, émigré de Berlin à Paris en 1938, puis en zone libre, et plus tard en Israël. L’ami de Moshe, Jean, moine trappiste, vient de mourir dans des conditions obscures à Berlin. Et c’est une autre voix, la voix d’une autre époque, le nazisme et la guerre, l’Occupation en France, qui s’empare peu à peu du présent. Bien sûr, il n’est pas indifférent que Moshe ait choisi la narratrice, une étudiante allemande, pour être dépositaire de l’histoire d’un survivant de l’entreprise nazie de destruction des Juifs d’Europe.

Avec Habenichts, traduit en français sous le titre Démunis (2008), et qui obtient le Deutscher Buchpreis en 2006, Katharina Hacker aborde la multiplicité des voix d’une autre façon. Si tous les fils narratifs se nouent à l’époque contemporaine, ils content l’histoire de plusieurs personnages, le couple que forment Isabelle et Jakob, Jim, le dealer, et Sara, la petite fille au chat. Appartenant à des milieux opposés qui n’ont a priori aucune chance de se rencontrer, ils habitent la même rue de Londres, et leurs vies se croisent, précipitant la chute – inéluctable comme un dénouement des tragédies.

Plus récemment, dans Alix, Anton und die Anderen, Katharina Hacker aborde un projet romanesque de grande ampleur. Une trilogie où se déploie le destin d’un groupe d’amis vivant à Berlin, que le repas rituel du dimanche réunit chez les parents d’Alix, Clara et Heinrich, dont la vie fut elle-même assombrie par la mort de leur petit garçon, noyé dans le lac proche de leur maison. Ce roman sombre se déroule tout entier sous le signe de la mort et de la maladie – du sens de la vie. Le récit se lit sur deux colonnes - la vie du petit groupe croise celle des propriétaires d’un restaurant vietnamien mêlés à un meurtre et les deux histoires sont alternativement contées sur une colonne ou sur une autre. Katharina Hacker projette d’écrire, non une suite linéaire à ce roman, mais une sorte d’extension romanesque, l’éclairage étant mis tour à tour sur l’un des membres du groupe. En marge de la trilogie mais lié au projet romanesque, a paru en 2010, Die Erdbeeren von Antons Mutter, centré sur le médecin Anton - qui appartient au groupe d’amis - et sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. La traduction de ce qui s’apparente à une Novelle, c’est-à-dire une histoire brève au nombre de personnages limité et au dénouement tragique, sort à l’automne 2011 chez Christian Bourgois.

Cécile Wajsbrot

 

Bibliographie

Les livres de Katharina Hacker sont édités en Allemagne chez Suhrkamp, et plus récemment chez Fischer.

Tel Aviv 1997, Suhrkamp, (Amazon, occasion)
Eine Art Liebe, 2003 S. Fischer Verlag
Die Erdbeeren von Antons Mutter, 2010, S. Fischer Verlag

En traduction française:

Marie-Claude Auger poursuit la traduction en français de ses romans chez Christian Bourgois.

Site Internet de Katharina Hacker: http://www.katharinahacker.de

tous droits reservés - Les Amis du Roi des Aulnes, Nicole Bary, 2012