Josef Winkler

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Josef Winkler: Mère et le crayon
Josef Winkler

 

Josef Winkler, né en 1953 en Carinthie (Autriche), vit à Klagenfurt. C’est à ce lieu de naissance – le milieu rural et conservateur de la province autrichienne – et à son éducation étouffante qu’il emprunte le décor et la matière de ses premiers romans. Plus tard, ce sont ses voyages en Italie, en Inde et à Mexico qui alimentent son rapport au religieux et à ses rites. Ses livres publiés aux éditions Suhrkamp ont pour la plupart paru en français aux éditions Verdier, dont récemment Mère et le crayon (2015, traduction d’Olivier Le Lay), qui relate la vie d’une femme brisée par la mort de ses frères au front pendant la Seconde Guerre mondial

Rien ne semblait prédisposer ce fils de paysans d'une bourgade retirée de Carinthie, au sud de l’Autriche, à devenir écrivain, certainement même l'un des plus importants écrivains de sa génération. Rien si ce n'est une rencontre avec des livres - La Peste, suivie des autres livres de Camus, des existentialistes français, de Soljenitsyne, d’Hans Henny Jahnn et surtout de Jean Genêt – qui lui insuffla le besoin impérieux de faire éclater le cadre étroit d’une éducation étouffante, soumise aux archaïsmes mortifères d'une famille conservatrice, d'un catholicisme castrateur, d’un village, Kamering, reconstruit en forme de croix après avoir été réduit en cendres en 1897. C'est dans ce climat sacrificiel que grandit le jeune Winkler. Quelques années plus tard un événement tragique - le suicide de deux jeunes garçons à qui l'on refuse le droit de s’aimer - le bouleverse profondément. Il commence à tenir un journal, écrit un premier récit (publié dans la revue Manuskripte), dont il reprendra et développera le thème dans son premier roman Menschenkind (1979, L’enfant).

Winkler publie dans la foulée Der Ackermann aus Kärnten (Le Paysan de Carinthie) et en 1992 Mutterprache (Langue maternelle, 2008). Avec ce dernier roman il achève une trilogie qui résonne comme un hurlement douloureux de haine et de souffrance, mais aussi comme un cri de rébellion salvatrice contre la violence de l’autorité patriarcale, contre l'église catholique et contre toutes les formes de répression. Ils s'articulent autour des trois pôles constitutifs de la famille - l'enfant (Menschenkind), le père (Der Ackermann von Kärnten), la mère (Muttersprache). Ils révèlent déjà toute l'esthétique de Winkler : un verbe cru, une écriture foisonnante, baroque, débridée, obsessionnelle qui, ne craignant ni la morbidité, ni le scandale, cultive le ressassement.

Obsédé par le sentiment de culpabilité que lui a insufflé le catholicisme de son enfance, littéralement possédé par une passion conflictuelle pour le religieux, Winkler a cherché et trouvé d’autres lieux – Rome (Friedhof der bitteren Orangen, 1990, Le cimetière des oranges amères 1998) et Bénarès (Domra, 1996, Sur la rive du Gange, 2004), mais aussi Mexico. Ces voyages marquent un tournant dans son œuvre. A Rome, l’ombre tutélaire des grands maîtres italiens l’incitent à peindre, avec des mots, des scènes où se mêlent ferveur religieuse et quotidienneté de la vie et de la mort. (Natura morta 2001, 2003).

Dans les œuvres écrites au cours de la décennie suivante, l’écriture de Winkler devient plus picturale, plus plastique, tout en gardant son foisonnement baroque et sa morbidité. Ce ne sont plus seulement les émotions de l’écrivain qui la nourrissent, mais celles dont il est le témoin, celles qu’il observe sur ceux qui vénèrent les saints à Rome ou assistent aux crémations au bord du Gange. Dans le récit, Roppongi (2009), un requiem pour son père mort pendant que Winkler était au Japon, il jette un pont entre l’ailleurs et l’origine, entre les observations glanées au cours des voyages et les émotions conflictuelles et contradictoires qui le relie à sa Carinthie natale.
NB

Bibliographie

Les œuvres de Winkler sont publiées en allemand aux éditions Suhrkamp,

en traduction française aux éditions Verdier (traducteur Bernard Banoun),
sauf Shmashana publié en 1999 aux éditions du M.E.E.T et traduit par Eric Dortu.

Mère et le crayon, 2015, éditions Verdier

tous droits reservés - Les Amis du Roi des Aulnes, Nicole Bary, 2012 et 2015